Cours de Philosophie générale L1S1 (vendredi 12h-14h)
Deborah Miglietta
Titre du cours : Le corps
Le grec sôma définit le corps par opposition à l’âme (psuchè) et à l’esprit (noûs). Il le différencie de la sarx, chair de l’homme et de l’animal. Le latin corpus renvoie à l’élément matériel, à la chair du corps, mais aussi à la personne, l’individu ou encore au cadavre, à l’être inanimé. Ainsi, l’examen de l’étymologie nous amène d’emblée à la difficulté de cerner ce qu’est le corps en lui-même et par lui-même. Certes, le registre strict d’une certaine physique désigne en lui la substance matérielle offerte à la perception caractérisée par la stabilité, l’étendue à trois dimensions, l’impénétrabilité, la masse et l’indépendance par rapport au sujet percevant. Néanmoins, les perspectives physique et biologique ne doivent pas faire oublier la dimension métaphysique, morale, spirituelle, voire religieuse. L’être humain est une personne incarnée : sans corps, elle n’existerait pas ; par le corps, elle est liée à la matérialité du monde. C’est pourquoi l’expérience du corps est toujours double : nous avons avec notre corps une relation qui est à la fois instrumentale et constitutive. L’acception du terme corps peut varier selon le point de vue que l’on prend sur lui. Le corps-chose, objet dans le monde est aussi « point de vue immédiatement inhérent à la conscience », corps-sujet ou corps-propre, c’est-à-dire « un ensemble de significations vécues » (Merleau-Ponty). Le corps renvoie à un mode d’existence foncièrement ambigu où l’homme est et vit son corps. Suis-je un corps ou ai-je un corps ?
En travaillant ensemble sur une dizaine d’ouvrages, dont les extraits seront distribués pendant le cours et disponibles sur l’EPI, nous tâcherons de répondre, parmi les autres, à cette question, posée autrefois dans l’Alcibiade de Platon. Comment considérer ce corps qui est l’une des données constitutives et évidentes de l’existence humaine, car c’est dans et avec son corps que chacun de nous est né, vit ? S’agit-il de dénoncer la violence du corps, « tombeau de l’âme » (Platon) ? Ou de convenir, au contraire, que corps et âme sont un seul et même être (Spinoza) ? Ou encore de reconnaître dans le corps un maître puissant dont l’esprit n’est que l’instrument (Nietzsche) ?
Bibliographie indicative
Platon, Gorgias, 492e-494a, trad. M. Canto-Sperber, Paris, Flammarion, 1987.
Platon, Phèdre, 250c, trad. L. Robin, Les Belles Lettres, 1933.
Platon, Cratyle, 400c-400d, trad. L. Méridier, Les Belles Lettres, 1931.
Plotin, Ennéades, III, 6, 7, trad. E. Bréhier, Les Belles Lettres, 1963, pp. 104-105.
Saint Augustin, Confessions, livre X, trad. E. Théhorel et G. Bouissou, Desclée de Brouwer, 1962, pp. 213-217.
R. Descartes, Méditation sixième dans Œuvres de Descartes, Texte établi par V. Cousin, Levrault, 1824, tome I, pp. 322-350.
R. Descartes, Traité de l’homme, Première Partie, dans Œuvres et Lettres, Gallimard, 1953, pp. 805-806.
B. Spinoza, Ethique, Livre III, scolie de la prop. 2, trad. B. Pautrat, Paris, Seuil, 1988.
F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, trad. G. Blanquis, Flammarion, 1969, pp. 99-103.
F. Nietzsche, La Volonté de puissance, trad. G. Blanquis, Gallimard, 1947, pp. 278-279.
M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Gallimard, 1976, pp. 230-232, 235-237, 272-274.
J.-P. Sartre, L’Être et le Néant, Gallimard, 1941, pp. 418-421.
E. Levinas, Totalité et infini, Martinus Nijhoff, 1980, pp. 88-89, 138-142.
- Enseignant éditeur: Miglietta Deborah