Au cours des dernières décennies, le terme de ‘crise’ s’est imposé dans l’actualité ce qui en dit long sur l’inquiétude et l’incapacité des sociétés contemporaines à faire face à des dérèglements divers (sanitaires, environnementaux, financiers…).
L’objectif de ce cours est de déplacer le questionnement en interrogeant les déclinaisons, les représentations et les modalités des crises dans les sociétés et les économies entre l’Ancien Régime et la période révolutionnaire. Appartenant au vocabulaire médical, le mot ‘crise’ désigne le moment critique d’une pathologie ou d’une maladie. C’est au XVIIIe siècle que le terme, tout en conservant ce sens originel, voit ses emplois se diversifier et s’étendre à d’autres enjeux. Le XVIIIe siècle marque en effet un déplacement du champ médical aux questions politiques. Comme l’écrit T. de Bordeu dans l’article « crise » de l’Encyclopédie : « au médecin philosophe qui a commencé par être témoin, qui de praticien est devenu grand observateur et qui franchissant les bornes ordinaires s’est élevé au-dessus de son état. Ouvrez les fastes de la médecine, comptez les législateurs ». Cette évolution s’est accompagnée d’un glissement sémantique : la crise renvoie alors moins au diagnostic et au remède à prescrire, et sert de plus en plus à caractériser des périodes graves.
L’objectif de ce cours est d’envisager les différentes formes que peuvent pendre les crises (démographiques, frumentaires, financières, climatiques…) en métropole comme dans les colonies. A partir d’une chronologie des crises qui est désormais bien établie par l’historiographie, il s’agit de les saisir dans leur déroulement et d’envisager les possibles combinaisons de plusieurs facteurs de déstabilisation. L’attention portée à leurs conséquences sociales et à leurs répercussions politiques, selon leur gravité relative, permettra de mettre en lumière les représentations que s’en font les acteurs, d’étudier les réactions différenciées face à ces désordres, de mesurer la capacité d’anticipation et de gestion…
Le premier semestre traitera de l’Ancien Régime (XVIIe et XVIIIe siècle) et le second semestre sera centré sur la période révolutionnaire et impériale
Références bibliographiques
- Pour le premier semestre
Benrekassa (Georges), « Lexical médical, vocabulaire dramatique, métaphore politique : la notion de crise au XVIIIe s en France », Le Langage des Lumières. Concepts et savoir de la langue, Paris, Puf, 1995, p. 23-46
Léon (Pierre), « La crise de l’économie française à la fin du règne de Louis XIV », Information historique, 1956, p. 127-137
Luckett (Thomas M.), « Crises financières dans la France du XVIIIe siècle », RHMC, 1996, n°43 (2), p. 266-292.
Meuvret (Jean), “Les crises de subsistances et la démographie de la France de l’Ancien Régime”, Population, 1946, 1, p. 643-650
Perrot (Jean-Claude), « L’analyse des crises au XVIIIe siècle », La France d’Ancien Régime. Etudes réunies en l’honneur de Pierre Goubert, Toulouse, Privat, 1984, p. 543-551 (repris dans Une histoire intellectuelle de l’économie politique, Paris, éd. de l’Ehess, 1992, p. 275-284)
Simonin (Jean-Pascal), « La crise d’Ancien Régime : un essai de justification théorique », Histoire et Mesure, 1992, 7 (3-4), p. 231-247
- Enseignant éditeur: Conchon Anne