Histoire des sciences S1
Vendredi 15h-18h
Ronan DE CALAN : À la gauche de Freud. Psychanalyse et critique sociale en Europe centrale (1918-1938)
Les plus sceptiques ne manqueront pas de s’interroger : qu’est-ce qui justifie qu’on aborde encore la psychanalyse dans un enseignement d’histoire des sciences en 2025 , plus de 85 ans après la mort de son fondateur ? La psychanalyse est-elle seulement une science ? Est-elle-même une discipline ? A considérer l’état des lieux de la psychanalyse en France aujourd’hui, en particulier de sa réception dans le monde philosophique, on en conclurait bien volontiers qu’il s’agit plutôt d’un voire de deux corpus rattachés à des figures tutélaires incontestables : Freud pour le monde germanique, Lacan pour l’adaptation (ou le dépassement ?) local. Cette constatation contraste singulièrement avec ce que nous apprend le passé proche. Non seulement la psychanalyse s’est constituée comme discipline – en particulier pour la seconde génération d’analyste, celle née une vingtaine ou une trentaine d’années après Freud, dans les années 1880-1890, et arrivée à maturité dans l’entre-deux-guerres –, mais elle a eu l’ambition d’être une science, en se confrontant à d’autres sciences constituées : la psychologie expérimentale, le béhaviorisme, la Gestalttheorie, la psychiatrie, l’anthropologie, la sociologie, etc. Cette confrontation a du reste été engagée par une génération d’analystes largement convertis au socialisme, sous diverses formes, et qui avaient l’ambition d’articuler psychanalyse et critique sociale. L’étiquette de freudo-marxisme qu’on attribue à quelques-uns d’entre eux de préférence à d’autres (Fromm, Reich en tout premier lieu) rend mal compte d’un courant, d’une génération même qui voulait bouleverser non seulement sa discipline mais tout le champ des sciences humaines avec elle. L’arrivée de Hitler au pouvoir porte un coup d’arrêt définitif à cette ambition. On voudrait donc faire la chronique de cette génération et des espoirs qu’elle a soulevés pour une discipline aujourd’hui bien mal-en-point.
Bibliographie indicative :
Pour une introduction au contexte général : E. A. Danto, Freud’s free clinics. Psychoanalysis and Social Justice, 1918-1938, Columbia University Press, 2007. On commentera ensuite notamment les oeuvres des auteurs suivants, pour la période concernée, dont certaines sont disponibles en langue française : Siegfried Bernfeld (1892-1953) ; Helene Deutsch (1884-1982) ; Paul Federn (1871-1950) ; Otto Fenichel (1897-1946) ; Erich Fromm (1900-1980) ; Edith Gyömröi (1896- 1987) ; Imre Hermann (1889-1984) ; Istvan Hollos (1872-1957) ; Karen Horney (1885-1952) ; Edith Jacobssohn (1897-1978) ; Gustav Landauer (1887- 1945) ; Barbara Lantos (1894-1962); Bronislav Malinowski (1884-1942) ; Heinrich Meng (1887-1972) ; Wilhelm Reich (1897-1957) ; Fritz Wittels (1880-1950).
- Enseignant éditeur: de la Lande de Calan Ronan