Comment acquiert-on une connaissance ? Traditionnellement, on considère qu’on connaît quelque chose – par exemple, le monde – en en faisant l’expérience, que celle-ci s’appuie sur une appréhension sensible ou sur un accès à des idées (ou au concept) de la chose. Cette expérience est alors conçue comme une expérience individuelle, que chacun·e doit faire pour soi, dans une confrontation avec le monde qui vient garantir la connaissance ainsi acquise en attestant de sa fidélité au réel. Pourtant, il y a bien des choses dont nous n’avons pas une connaissance « directe » : qu’il s’agisse des faits historiques, des informations journalistiques ou des agissements de nos enfants à l’école, nous ne les connaissons que par témoignage. C’est ainsi grâce à l’intervention d’un tiers que nous prenons connaissance de tout cet ensemble de choses dont nous ne pouvons pas, pour tout un ensemble de raisons, faire l’expérience « directe ». Est-ce à dire que cette connaissance indirecte n’est pas une vraie connaissance, mais plutôt un ensemble de « croyances » sans réelle garantie ? Pourquoi, en effet, se fier aux historiens, aux journalistes ou aux professeurs (sans mentionner les témoins lors d’un procès ou d’une enquête) ?
C’est le statut de cette connaissance par témoignage, à laquelle l’épistémologie sociale contemporaine accorde désormais une grande importance problématique, que nous nous proposons d’interroger dans le cours, en analysant à la fois le cadre épistémologique sur lequel elle repose et la dimension linguistique qui la porte : la connaissance par témoignage, outre qu’elle fait intervenir un tiers, repose éminemment sur la parole de ce dernier, qui doit elle-même prendre un statut particulier pour apporter à celui ou celle qui la reçoit une forme de garantie qui fonde son autorité. C’est donc en tant qu’acte de parole singulier que cette parole peut servir d’intermédiaire épistémiquement fiable entre le monde qu’elle rapporte et la connaissance qu’est susceptible d’en tirer celui ou celle qui l’écoute. Il s’agira ainsi de comprendre le lien étroit qui se noue, dans le témoignage, entre connaissance et parole, et d’examiner s’il peut, à cet égard, être vecteur d’une connaissance véritable.
- Enseignant éditeur: Ambroise Bruno