Ludwig Wittgenstein (1889-1951) est probablement l’un des plus grands philosophes du 20ème siècle et il reste l’un de ceux qui ont toujours le plus d’influence. Réputé pour avoir successivement construit deux philosophies différentes, sinon opposées, c’est dans les années 1930 que s’opère chez lui le tournant qui conduit d’une philosophie centrée sur l’analyse logico-mathématique à une philosophie « grammaticale », scrutant les règles gouvernant nos usages linguistiques. Il ne s’agit pourtant pas seulement de construire seulement une philosophie du langage, mais de comprendre, de manière déflationniste, comment nos pratiques, exprimées dans des jeux de langage s’inscrivant dans des formes de vie, déterminent ce que l’on peut dire et penser à propos du monde.
Le Cahier bleu (1933-1935) est l’un des textes dans lequel se déplie ce tournant décisif de sa pensée et, plus généralement, de la pensée contemporaine. Wittgenstein y opère une critique du logicisme qui imprégnait son œuvre antérieure et qui influença décisivement le positivisme logique, pour mieux défendre une analyse des usages du langage permettant de rendre compte de nos pratiques. C’est alors toute une philosophie originale de l’esprit, de la connaissance et du langage qui se déploie, offrant une conception radicalement nouvelle de la pensée et de la connaissance humaine en général. C’est, plus généralement, une anthropologie philosophique inédite qui commence à s’y développer.
Nous étudierons le texte original pour mieux comprendre comment Wittgenstein rompt avec sa « première » philosophie et avec le positivisme logique en général, pour mieux proposer une conception non-logiciste du langage et une conception non-mentaliste de l’esprit. Ce faisant, nous étudierons la pertinence des solutions qu’il apporte en philosophie, afin de saisir son actualité dans la pensée contemporaine.
- Enseignant éditeur: Ambroise Bruno