Si on laisse temporairement de côté la question de savoir par quoi commence la philosophie, autrement dit la question du « principe » (Dieu, la nature, le cogito), demeurent deux façons d’envisager le problème du commencement en philosophie : d’un point de vue externe, on peut rendre compte des conditions objectives de constitution d’un « champ philosophique » qui prédétermine les possibilités du discours de la philosophie (Bourdieu) ; d’un point de vue interne, on peut s’interroger sur les discours tenus par les philosophes eux-mêmes sur le problème du « commencement absolu » de la philosophie (Hegel), c’est-à-dire d’un commencement qui ne présupposerait rien qui soit extérieur à la philosophie elle-même. C’est ce second aspect qui fera en priorité l’objet de nos réflexions, et ce dans trois directions : (a) Quel est le statut de ce qui précède la philosophie, de ce avec quoi elle est censée faire rupture ? (b) Comment s’opère cette rupture, et qu’est-ce qui la motive subjectivement chez celui qui se convertit à l’effort philosophique ? (c) Quelle idée du philosophe et quelle « image de la pensée » (Deleuze) se dégagent de cette rupture ?