On connaît la légende d’un Pascal jeune savant de génie qui, après la « nuit de feu » du 23 novembre 1654, consignée dans son Mémorial, aurait abandonné ses travaux scientifiques au profit d’une apologie de la religion chrétienne. Une telle dichotomie, entre science et religion, ne saurait toutefois rendre pleinement compte de l’entreprise théorique de Pascal, qui ne cesse de poursuivre tout au long de sa vie ses travaux scientifiques et considère son projet apologétique comme pleinement conforme à la raison. Mais il reste alors à préciser la nature de cette articulation et à s’interroger sur la conception de la raison qui la rend possible. Pour tenter de ressaisir le point de convergence des différentes lignes de sa pensée, on suivra comme fil directeur la recherche du point fixe et indivisible que Pascal appelle « le véritable lieu », et qui constitue le point de vue à partir duquel le jugement peut être ordonné. Ce point, « la perspective l’assigne dans l’art de la peinture, mais dans la vérité et dans la morale qui l’assignera ? ». Comment donc parvenir à la détermination d’un tel point fixe alors même que nous sommes tous « embarqués » et « voguons sur un milieu vaste, toujours incertains et flottants, poussés d’un bout vers l’autre » ? Le cours cherchera à montrer que l’unité de la démarche philosophique de Pascal tient à un usage critique de la raison, qui doit apprendre non seulement à juger et à affirmer, mais aussi à douter et à se soumettre. C’est à cette condition que devient pensable cet être contradictoire qu’est l’homme.