
Depuis une trentaine d’années, tant les anthropologues que les historiens ont entrepris de s’interroger sur le sens social du recours à l’écriture, au-delà du schéma classique opposant écrit et oral. Pour ce qui est des médiévistes, la question est d’autant plus cruciale que la société médiévale 1) n’est accessible qu’indirectement, essentiellement par l’intermédiaire des documents écrits (plus secondairement figurés ou matériels) ; 2) a fait de la culture écrite un enjeu de domination sociale ; et 3) a vu se diffuser voire apparaître diverses techniques devenues banales (le livre, le papier, l’écriture minuscule, l’imprimerie) mais liées à des besoins de production écrite importante et de moyens de repérage et d’ordonnancement essentiels au fonctionnement de la société et des pouvoirs.
L’ensemble des procédures qui s’intercalent entre la société étudiée et l’historien – production écrite, conservation, archivage et classement, édition – fait désormais l’objet de réflexions passionnantes, destinées à répondre à la question, moins évidente qu’il n’y paraît : pourquoi avons-nous des sources ? L’enjeu est tout simplement d’apprendre à utiliser les documents médiévaux, non pas tant du point de vue technique (assuré par les cours de paléographie et de langues médiévales) que du point de vue du rapport entre ces documents et la société qui les a produits et laissés.
En s’appuyant sur des exemples précis, le cours se propose ainsi de montrer la place et le rôle de l’écrit durant le Moyen Âge : rare durant le haut Moyen Âge où lecture et écriture sont un quasi-monopole de l’Église, l’écrit devient central dès la fin du XIIe siècle, au moment où se développent les procédures d’archivage et de consultation de la documentation produite au fur et à mesure que croissent les besoins des gouvernants – qu’il s’agisse des rois ou des papes, des princes territoriaux ou des « cités-États ». Le cours présentera également les chemins que prend actuellement la réflexion sur les sources et sur leur critique, qui fait apparaître l’importance des filtres tant archivistiques qu’intellectuels qui s’interposent entre la production écrite médiévale et notre utilisation actuelle.
- Enseignant éditeur: Genton Louis
- Enseignant éditeur: Mazel Florian