Associée d’abord à la liberté de conscience en matière religieuse, la tolérance se rapproche moins de la reconnaissance que d’une simple concession face à la différence d’opinions ou de comportements. A partir de la délimitation des droits respectifs de l’État et de l’Église, Locke a inauguré une conception « libérale » de la tolérance visant à déterminer les limites légitimes de l’intervention publique dans la sphère privée des croyances et des valeurs. Ce n’est que dans l’œuvre de Kant, pourtant, que l’idée de tolérance se voit refondée comme implication du principe moral de respect, jetant les bases de la pensée critique de la tolérancequi sera poursuivie par l’École de Francfort au 20e siècle.
Pour Marcuse (Tolérance répressive, 1965), la neutralité idéologique de l’État dans les sociétés libérales contribue à perpétuer les facteurs de discrimination et domination d’une classe sociale ou d’un groupe (culturel, religieux, etc.) sur les autres. Il s’agit alors de détacher le discours de la tolérance de ses enjeux de domination pour avancer une pratique émancipatrice de la tolérance, soumise à la condition d’une discussion libre entre individus autonomes. Le sujet de l’autonomie morale n’est pas tant l’individu isolé dans la sphère privée que l’individu conçu comme sujet social – distinction qui remet en cause l’opposition entre sphère privée et publique, caractéristique du libéralisme