L’histoire
de
l’engagement d’une nation dans des conflits armés ne doit pas se
concentrer exclusivement
sur la dimension nationale, car la guerre est relationnelle. La
prise en compte
de l’échelle européenne, de 1688 (début de la guerre de la Ligue
d’Augsbourg) à
1815 (fin des guerres napoléoniennes), permet de tenir compte de
la dimension interactive
et géopolitique des conflits armés. Ce dépassement de la
dimension nationale ne
nie pas cette échelle traditionnelle de l’histoire militaire,
mais permet de la
mettre en perspective critique et d’aborder la nation comme un
phénomène divers
(corps civique, territoire, Etat, etc.) particulièrement, mais
pas
exclusivement, animé par la guerre. L’échelle européenne permet
également
d’étudier la dynamique des pratiques de la guerre irréductibles
à la projection
de postulats identitaires nationaux et subissant des évolutions
voire des
révolutions qui s’articulent avec des éléments de continuité
alimentant, à la
fin de la période, le concept de « guerre moderne ». Cette
notion
permet de mettre également en perspective critique l’insertion
de la séquence
des guerres révolutionnaires et impériales (1792- 1815) dans
l’histoire longue
de la guerre, par opposition à la tendance d’y projeter des
postulats
théoriques voire politiques illustrés par le concept de « guerre
totale ». Parmi les facteurs de continuité sur la période de
1688 à 1815,
l’affrontement entre la France et la Grande-Bretagne est un
phénomène constant engagé
dans toutes les guerres de cette époque et qui contribue à la
définition de
cette séquence conflictuelle comme une « seconde guerre de Cent
ans ».
Parmi les facteurs de rupture dans cette longue période, la
guerre de Sept ans
(1756-1763) a introduit de nouvelles pratiques et a même
alimenté la perception
de son caractère révolutionnaire dans le domaine militaire. La
France, qui s’était
investie de façon traditionnelle dans cette guerre, n’en avait
pas pris en
compte le caractère novateur, mais en établit le constat après
sa défaite
exprimée par le traité de Paris de 1763. L’adaptation aux
nouvelles données de
la guerre alimenta des réformes militaires et certains projets
qui
contribuèrent à l’émergence de principes appliqués dans la
Révolution
française. Par exemple, dans les années 1770, la notion de
« constitution
militaire » alimentée par la prise en compte des pratiques de la
guerre de
Sept ans, contribua à la critique de l’absolutisme en invoquant
la nécessité de
soumettre la monarchie aux lois de la guerre et plus
généralement à un régime
constitutionnel. La guerre qui, sous le règne de Louis XIV,
avait contribué au
caractère absolu de la souveraineté royale exerça donc une
influence variée sur
l’histoire de la monarchie. L’insertion de la France dans
l’Europe en guerre
contribua donc à l’histoire de France et aussi à l’histoire de
l’Europe.