Archive année 2020-2021 Séminaire "Politique de l'enquête" École doctorale science politique

Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

École Doctorale de science politique

Année universitaire 2020-2021

 

Séminaire de recherche « Politique de l’enquête »

M. Laurent Jeanpierre

 

Vendredi, 14 heures-17 heures

Les 12 mars, 2 avril, 9 avril, 14 mai, 21 mai et 4 juin 2021

 

Argument

Les pratiques de l’enquête en sciences humaines et sociales restent peut-être irrémédiablement marquées par ce que Michel Foucault a appelé le « modèle inquisitorial » transféré de l’église catholique et des institutions pénales aux savoirs sur l’homme puis conforté jusqu’à nos jours par les nombreuses situations de domination structurelle qui ont rendu possible des connaissances nouvelles, comme en atteste la complicité historique de l’ethnologie et du colonialisme et l’inconscient gouvernemental d’une grande partie des sciences sociales, science politique comprise. L’enquête, avant tout lorsqu’elle porte sur les subalternes et les dominé.e.s, n’a donc rien d’une relation neutre ni égale, et ce même lorsqu’elle vise à arracher une réalité ou une souffrance ignorée à l’invisibilité ou à l’occultation. La volonté de savoir du chercheur y dissimule aussi une violence symbolique potentielle, voire une relation de pouvoir (dont le poids dépend toutefois de ses positions sociale, institutionnelle et professionnelle), généralement à son avantage, et le plus souvent ignorée ou déniée par lui. Son épistémologie et sa méthodologie sont restées souvent indissociables d’une distribution asymétrique des rôles et des aptitudes entre ce qu’il est convenu d’appeler les « sujets » et les « objets » de la science. Les résistances des enquêté.e.s, quelle que soit par ailleurs leur place dans la société, sont des symptômes de cet équilibre instable caractéristique de toute relation d’enquête. 

À quelles conditions des recherches empiriques sont-elles susceptibles de s’extraire de ces coordonnées à la fois épistémiques, éthiques et politiques ? Doivent-elles, peuvent-elles, ré-équilibrer les archives ou les paroles des puissants et des faibles, égaliser les échanges, les points de vue, les capacités voire même les places (d’auteur, de sujet) entre ethnographes et informateurs, entre observateurs et observés ? Plus encore, est-il possible, souhaitable, de faire de l’enquête un instrument, une expérience de connaissance, d’empowerment voire d’émancipation pour les enquêté.e.s, et pas seulement pour les enquêteur.rice.s ? 

Ces vastes questions ne datent pas d’aujourd’hui. Elles interpellent toutes les disciplines, toutes les méthodes, toutes les opérations et les étapes d’une recherche : collecte puis traitement des données, restitution et publication des résultats, réception, circulation et usages sociaux des savoirs. Sans épuiser toutes les dimensions politiques de l’acte de connaissance du social (dont certaines renvoient aussi à sa fonction générale dans les pratiques de gouvernement des populations), elles ont aussi traversé, depuis plus d’un siècle au moins, plusieurs courants critiques à l’intérieur des sciences sociales elles-mêmes (dénonçant par exemple le positivisme ou l’objectivisme de certaines manières de faire des sciences sociales) et plusieurs expérimentations d’engagement dans la recherche. Cet atelier-séminaire, à vocation délibérément exploratoire et expérimentale, sera consacré à introduire à ces questionnements politiques sur la pratique et la relation de l’enquête directe ou indirecte, et à quelques-unes des réponses qu’ils ont pu recevoir. 

L’objectif général du séminaire est d’acquérir et de développer collectivement une plus grande attention critique et politique sur les relations d’enquête et la production de la recherche en science politique afin d’envisager une autre constitution éventuelle du public des sciences sociales du politique. 

 

Fonctionnement du séminaire

Dans la mesure du possible, les séances, prises dans leur ensemble, chercheront à confronter trois séries de matériaux : (1) des exposés historiques et méthodologiques de l’enseignant présentant quelques propositions de résolution de certains problèmes politiques de l’enquête ; (2) un regard collectif et critique sur certaines des données qui leur sont associées et les manières dont elles ont été produites, interprétées et éventuellement diffusées ; (3) une partie des instruments d’objectivation ou de la matière première des recherches doctorales en cours des participant.e.s lorsqu’elle se rapporte aux préoccupations de l’atelier. 

Les lectures proposées dans le corpus de travail de chaque séance sont indicatives et facultatives et seront évoquées par l’enseignant ou bien sont suggérées pour un approfondissement. Les textes marqués par trois astérisques (***) peuvent être lus en guise d’appui à chaque séance.

En préparation du séminaire, et selon leur état d’avancement, les doctorant.e.s sont invité.e.s à  repérer, dans leurs matériaux d’enquête, les documents ou les données susceptibles de témoigner d’une asymétrie des informations disponibles entre dominant.e.s et dominé.e.s, d’un rapport de pouvoir entre enquêteur.rice et enquêté.e, d’une résistance à l’objectivation de la part des enquêté.e.s, d’un contexte politique interrogeant la pratique de l’enquête elle-même.

 Planning (sous réserve de légères modifications)

 

12 mars 2021 - Séance 1

Politique de l’enquête : problèmes généraux

Corpus de travail

Pierre Bourdieu, « L’inconscient d’école », Actes de la recherche en sciences sociales, 135, décembre 2000, p. 3-5.

***Pierre Bourdieu, « Comprendre », La misère du monde, Paris, Le Seuil, 1993, p. 903-939.

Daniel Cefaï (dir.), L’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003.

Daniel Cefaï (dir.), L’engagement ethnographique, Paris, Edition de l’EHESS, 2010.

John Dewey, Logique. La théorie de l’enquête, Paris, PUF, 1967.

Didier Fassin, Alban Bensa (dir.), Politiques de l’enquête, Paris, La Découverte, 2009.

Michel Foucault, Théories et institutions pénales, Cours au Collège de France 1971-1972, Paris, Le Seuil/Gallimard, coll. « Hautes études », 2015.

Jean-Pierre Olivier de Sardan, « La politique du terrain », Enquête, 1, 1995, p. 71-109.

 

2 avril 2021 - Séance 2

L’histoire à parts égales : un modèle ?

Corpus de travail

Yannick Barthe et al., « Sociologie pragmatique : mode d'emploi », Politix, vol. 103, no. 3, 2013, p. 175-204.

Romain Bertrand, L’histoire à parts égales, Paris, Le Seuil, 2011.

***Joëlle Zask, « L'enquête sociale comme inter-objectivation », dans Bruno Karsenti et Louis Quéré (dir.), La croyance et l'enquête. Aux sources du pragmatisme, Paris, Éditions de l'EHESS, 2004, p.141-163. 

 

9 avril 2021 - Séance 3

Co-recherche en milieux ouvriers et au-delà

Corpus de travail

***Julien Allavena, « Les travailleuses ont-elles le droit à la parole ? Quelques repères historiques pour une épistémologie des enquêtes ouvrières », Travailler, vol. 43, no. 1, 2020, p. 35-48.

Andrea Cavazzini, « Aux origines de l’enquête ouvrière : conricerca et ligne de classe en Italie dans les années

1950-1960 », Séminaire du GRM 2011-2012 « L'enquête ouvrière hier et aujourd'hui » - Troisième séance, 2011.

Antonella Corsani, Maurizio Lazarrato, Intermittents et précaires, Paris, Amsterdam, 2008.

***Colectivo Situaciones, « On the Researcher-Militant », September 2003, http://eipcp.net/transversal/0406/colectivosituac iones/en/base_edit.

Eric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret, Xavier Vigna (dir.), Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine, Paris, La Découverte, 2019.

Isaac Joseph, « L’enquête au sens pragmatiste et ses conséquences », SociologieS, « Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expérimentations », 2015.

Robert Linhart, L’établi, Paris, Minuit, 1978.

Olivier Schwartz, Le monde privé des ouvriers, Paris, PUF, 2012.

 

14 mai 2021 - Séance 4

L’analyse institutionnelle et le groupe d’information sur les prisons 

Corpus de travail

Philippe Artières, Laurent Quéro, Michelle Zancarini-Fournel, Le Groupe d’informations sur les prisons. Archives d’une lutte, 1970-1972, Paris, IMEC, 2003.

René Lourau, L'analyse institutionnelle, Paris, Minuit, 1970.

René Lourau, Les analyseurs de l’Église. Analyse institutionnelle en milieu chrétien, Paris, Anthropos, 1972.

Valentin Schaepelynck, L’institution renversée. Folie, analyse institutionnelle et champ social, Paris, Eterotopia, 2018.

 

21 mai 2021 - Séance 5

Savoirs situés, enquête sur soi, transfert et contre-transfert, affectation

Corpus de travail

Pierre Bourdieu, « Introduction à la socio-analyse », Actes de la recherche en sciences sociales, 90, décembre 1991, p. 3-5.

Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts. La sorcellerie dans le bocage, Paris, Gallimard, 1977.

Jeanne Favret-Saada, Josée Contreras, Corps pour corps, Paris, Gallimard, 1981.

***Donna Haraway, « Savoirs situés : la question de la science dans le féminisme et le privilège de la perspective partielle » dans Manifeste Cyborg et autres essais, Paris, Exils, 2007.

Tim Ingold, Faire. Anthropologie, archéologie, art et architecture, Bellevaux, Dehors, 2017.

***Dominique Memmi, Pascal Arduin, « L'enquêteur enquêté. De la “connaissance par corps” dans l'entretien sociologique », Genèses, 35, 1999, p. 131-145.

 

4 juin 2021 - Séance 6

Bilan et perspectives




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Nom Archive année 2020-2021 Séminaire "Politique de l'enquête" École doctorale science politique
Nom abrégé POLENQ21
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