Sur la "dette de l'Indépendance d'Haïti"

Sur la "dette de l'Indépendance d'Haïti"

par Durelle Marc Yann-Arzel,
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Mesdames et Messieurs, 


Il semble que je n'ai pas été suffisamment clair et précis lors de la séance pendant laquelle nous avons parlé de la situation d'Haïti à compter de l'entrée de ce territoire dans le mouvement révolutionnaire après 1789. Le point principal sur lequel j'ai laissé subsisté des ambiguïtés, concerne le sort de la "dette de l'Indépendance d'Haïti et ses conséquences à long terme pour cette République et sa population.

Votre camarade, M. Ernson Thomas (ernson.Thomas@etu.univ-paris1.fr), lui-même très informé sur ce sujet, m'en a fait l'observation et a réuni des références bibliographiques très pertinentes, auxquelles il a joint ses commentaires: je vous prie de trouver ci-joint le document pdf dans lequel sont réuni ces éléments, que j'ai simplement remis en forme et que je considère comme très pertinents.  

J'en remercie vivement M. Thomas et transmets très volontiers, avec son accord, ce qu'il a pris le soin de réunir.


Voici en outre et en substance ce que j'ai indiqué à M. Thomas par courriel: 

« Mon propos n’était sans doute pas assez clair ni précis: je parlais d’une part des enjeux politiques de la question en France (et non à Haïti), relativement à ses autres colonies et aux autres puissances coloniales de la même région au moment de l’indépendance.  
A cet égard, la question du milliard des colons d’Haïti est d’abord une question intérieure à la Restauration, parce qu’elle s’inscrit dans le contexte d’une autre question, celle du milliard des Emigrés (l’indemnisation des émigrés de la Révolution et la compensation de la perte de leurs biens nationalisés, saisi ou détruits): la France de la Restauration ne peut pas céder, pour cette raison de politique intérieure, sur l’indemnisation des colons d’Haïti. En outre, la conservation de ses autres colonies doit faire "un exemple" avec l’indépendance d’Haïti, pour éteindre les velléités des autres territoires. Enfin, ce que fait la France intéresse directement les autres puissances coloniales (Angleterre, Espagne, Pays-Bas) parce qu’elles tiennent à leur propres colonies, dont les indépendances sud-américaines (colonies espagnoles) depuis 1810 a montré la fragilité.

Ensuite, la dette en question est en fait scindée en une dette d’Etat à Etat (d’Haïti envers la France) et une dette de l’Etat français envers les anciens colons d’Haïti: en d’autre termes, l’Etat français s’interpose entre l’Etat Haïtien et les colons. Cette "seconde" dette est réglée aux colons très rapidement, grâce au même mécanisme qui est employé pour le paiement de la dette française envers les vainqueurs de 1814 et 1815 et celui du milliard des émigrés: la Caisse des Dépôts et Consignations (créée en 1816 à cet effet). 

Ainsi, la dette de l’indépendance d’Haïti n’est plus, passée la fin des années 1830 environ, qu’une affaire entre Etats et un enjeu très symbolique (ce qui ne signifie pas négligeable) de relations internationales.

Cependant, il n’est pas douteux en effet, que d’une part d’un point de vue moral (et jusqu’à un certain point juridique), les conditions faites à la jeune République d’Haïti par l’ancienne puissance coloniale sont ignobles, et d’autre part que les conditions financières et économiques imposées en majeure partie par la France à Haïti tout au long du XIXe siècle, ont pesé infiniment lourd (c’est un euphémisme!) sur le développement de ce pays. » 

Je suis désolé que mon propos ait été insuffisamment clair; sa correction est bienvenue.

J'ai par ailleurs demandé à mon collègue et ami, M. Frédéric Régent (MCF en Histoire à Paris 1), de vouloir me communiquer des références bibliographiques à jour sur la Révolution haïtienne, Toussaint Louverture et les premières décennies de l'histoire de ce pays. J'espère pouvoir ajouter cette sélection prochainement.   
Fr. Régent est spécialiste de la Révolution dans les Colonies françaises et prépare un travail nouveau sur T. Louverture (cf. ses publications: 
https://www.pantheonsorbonne.fr/page-perso/fregent)

Cordialement, 

Y.-A. Durelle-Marc