L’obligation et la contrainte

 Pour tout un chacun, l’expérience ordinaire du droit est ambivalente : elle peut correspondre à celle d’un droit, c’est-à-dire d’une liberté consacrée par la loi, par exemple le droit d’expression, ou bien à celle, souvent moins plaisante, d’une obligation, celle qu’impose, par exemple, la signature d’un contrat. Pourtant, le concept d’obligation occupe une place à ce point centrale qu’Hans Kelsen a pu identifier la théorie du droit à celle de l’obligation et écrire : « l’obligation n’est pas quelque chose de différent de la norme, l’obligation est la norme ». Or, qu’est-ce qui justifie qu’on abandonne en partie le droit de se gouverner soi-même pour se soumettre à une volonté étrangère, à une décision de justice, à une règle, à une loi, c’est-à-dire à une norme ? Si de facto – de fait - l’obligation est une réalité sociale, de quel droit – de jure - oblige-t-on ou s’oblige-t-on ?

  Cette question classique du fondement de l’obligation impose, en premier lieu, de décrire les diverses formes de l’obligation : l’obligation sociale, morale, religieuse, civique, juridique. Elle suppose, ensuite, l‘examen de la différence de la morale et du droit. Elle conduit, enfin, à interroger le rapport du droit à la politique, c’est-à-dire à la démocratie.

Ce problème structure, en outre, la philosophie du droit elle-même en opposant au moins deux grandes conceptions du droit : celle des partisans d’un droit naturel, puis rationnel à celle des tenants d’une conception strictement conventionnaliste ou positiviste. Elle permet ainsi de saisir les enjeux de la querelle classique du jusnaturalisme et du juspositivisme, notamment à l’époque moderne, et de leurs très nombreuses variantes.

Bien entendu, il est impossible, en raison de l’ampleur de la tâche, de développer la notion d’obligation dans toute son extension juridique et philosophique. On se limitera durant ce semestre à l’étude du concept d’obligation développé par quelques auteurs incontournables, Hobbes, Locke, Leibniz, Rousseau, Kant et Kelsen, ce choix permettant d’examiner et de confronter cinq fondements possibles de l’obligation : la force, la nature, la convention, l’utilité et la raison.

 

Bibliographie du semestre

 

-       Hobbes, Léviathan, trad. F. Tricaud, Paris, Dalloz, 1999.

-       Locke, Traité du gouvernement civil, éd. S. Goyard-Fabre, Paris, GF, 1999.

-       Leibniz, Le droit de la raison, éd. R. Sève, Paris, Vrin, 2002.

-       Rousseau, Du contrat social, éd. B. Bernardi, Paris, GF, 2011.

-       Kant, Métaphysique des mœurs, trad. A. Renaut, Paris, GF, 2018, t. I et II.

Kant, Théorie et pratique, trad. L. Guillermit, Paris Vrin, 2000.

-       Kelsen, Théorie générale des normes, trad. O. Beaud, F. Malkani, Paris, PUF, 1996.

 

Quelques études classiques -

 

-       Bernardi Bruno, Le principe d’obligation, Paris, EHESS, 2007. 

-       Perelman Chaïm, Éthique et droit, Bruxelles, Édition de l’université de Bruxelles, 2012.

-       Quiviger Pierre-Yves, Le secret du droit naturel ou après Villey, Paris, Garnier, 2012.

-       Strauss Léo, Droit naturel et histoire, trad. M. Nathan, E. Dampierre, Paris, Champs Flammarion, 2008.

-       Villey Michel, La formation de la pensée juridique moderne, Paris, PUF, 2013.