L3 Philosophie générale

S2 mercredi 9h-11h, salle Halbwachs

 

Frédéric Fruteau de Laclos

 

Le sujet

 

Selon un principe des indiscernables appliqué à la personne humaine, on pourrait dire qu’il n’existe pas deux individus absolument identiques. Mais il faut aller plus loin, car les manières d’être sujets sont elles-mêmes variables : il n’existe pas deux façons comparables de devenir personnes pour les enfants de différentes sociétés humaines. En vérité, l’histoire et la géographie offrent le spectacle d’une étonnante diversité des processus humains de subjectivation.

Pour s’en tenir à l’histoire de l’Occident, on s’individue et on se personnalise différemment selon qu’on est un Grec de l’Athènes classique, un Romain chrétien du temps de saint Augustin, un Moderne lecteur de Descartes, enfin un Européen des sociétés contemporaines. L’incommensurabilité n’est pas moins grande entre les conceptions que se font du sujet un Néo-Calédonien, un Dogon ou un Nambikwara. Dans ces conditions, on comprendra que notre démarche ne puisse pas seulement relever de l’histoire de la philosophie, mais qu’elle doive se nourrir de psychologie historique autant que d’anthropologie culturelle.

Un second problème se révèle avec la variation des sens de l’objectivité, corrélative des diverses acceptions de la subjectivité. Une des thèses soutenues sera que, dès lors que la subjectivité fait « pli » et constitue le sujet en « intériorité », elle risque de se couper de l’extériorité, que cette extériorité soit celle d’autres sujets ou celle des objets. Dans le premier cas, notre vis-à-vis humain souffrira d’un manque de reconnaissance ; dans le second, c’est la connaissance même qui souffrira de la clôture subjective, les objets peinant à être appréhendés comme ils le devraient.

 

Indications bibliographiques

Chastaing, M., Les autres comme soi-même. Le faux problème de la connaissance d’autrui, Paris, Classiques-Garnier, 2017.

Deleuze, G., Foucault, Paris, Minuit, 1986.

Descola, P., Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.

Detienne, M., Comparer l’incomparable, Paris, Points-Seuil, 2000.

Devereux, G., De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris, Champs-Flammarion, 2012.

Foucault, M., L’herméneutique du sujet. Cours au Collège de France 1981-1982, Paris, EHESS-Gallimard-Seuil, 2001.

Leenhardt, M., Do Kamo. La personne et le mythe dans le monde mélanésien, Paris, Gallimard, 1985.

Nietzsche, F., La généalogie de la morale, trad. fr. J. Gratien et I. Hildenbrand, Paris, Folio-Essais, 1985.

Malrieu, P. Malrieu, S. et Widlöcher, D., Traité de psychologie de l’enfant. V. La formation de la personnalité, Paris, PUF, 1973.

Meyerson, I. (éd.), Problèmes de la personne, Paris-La Haye, De Gruyter-Mouton, 1973.

Poulet, G., Les métamorphoses du cercle, Paris, Champs-Flammarion, 1979.

Proust, M., Le temps retrouvé, dans Proust, M., À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, T. IV, 1989, p. 275-625.

Vernant J.-P., L’individu, l’amour, la mort. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Folio-Essais, 1989.