Le texte connu sous le titre La raison dans l’histoire constitue l’introduction des Leçons sur la philosophie de l’histoire que Hegel a tenues à Berlin dans les années 1820. Il s’agit à la fois d’un texte accessible pour entrer dans le système hégélien, et d’un texte qui émet une des prétentions les plus ambitieuses de la philosophie moderne, en voulant concevoir dans le processus historique une rationalité immanente correspondant à un processus de connaissance de soi et de libération de ce que Hegel appelle « l’esprit ». L’étude de ce texte sera ainsi l’occasion d’appréhender des concepts essentiels de la philosophie hégélienne, qui sont en même des concepts clefs de la philosophie moderne : la notion de développement, de système, de liberté, de substance et de sujet, d’État et d’esprit… Plus précisément, nous aurons l’occasion d’appréhender des questions de philosophie pratique, de philosophie de l’action (relativement au statut des agents historiques : l’agent a-t-il une responsabilité historique ? l’individu peut-il se considérer comme une fin en soi dans l’histoire ?) et de philosophie politique (relativement au rôle central que Hegel attribue à l’État : peut-on vraiment affirmer qu’une communauté sans État est hors de l’histoire ?), autant que d’épistémologie : quelle est la spécificité, non seulement d’une connaissance de l’histoire par rapport à celle de la nature, mais plus encore, d’une conceptualisation philosophique de l’histoire, par rapport aux démarches de l’historien ? Et plus encore, quel est le statut d’une telle connaissance quand elle s’inscrit dans un processus de connaissance de soi de l’objet même qui est étudié, que Hegel nomme l’« esprit du monde » ? En quoi l’histoire, y compris malgré des concepts trop « bien connus » tels que la « ruse de la raison », est-elle avant tout le dur labeur d’un progrès dans la conscience de la liberté ? La lecture de La raison dans l’histoire sera complétée au cours du semestre par des incursions dans le reste du corpus hégélien, notamment vers des textes relatifs à l’histoire dans la Phénoménologie de l’esprit, les Principes de la philosophie du droit ou l’Encyclopédie des sciences philosophiques. Nous nous intéresserons également aux sources de Hegel dans les Lumières françaises (Montesquieu, Rousseau, Condorcet…) et allemandes (Lessing, Herder, Kant…), ainsi qu’aux critiques très nombreuses dont, au XXe siècle notamment (Löwith, Adorno…), le projet d’une philosophie de l’histoire a pu faire l’objet.
Nous utiliserons la traduction de Laurent Gallois, La raison dans l’histoire, éditions Points (Seuil), 2011, Paris. La traduction de Kostas Papaïoannou (Agora Pocket, 2012) pourra également être utilisée.
On pourra se reporter plus largement à l’ensemble des Leçons sur la philosophie de l’histoire, avec les autres introductions, dans : La philosophie de l’histoire, traduction Myriam Bienenstock, Christophe Bouton, Jean-Michel Buée, Gilles Marmasse et David Wittmann, La Pochothèque, 2009.
On pourra s’aider, pour la lecture de Hegel, du Vocabulaire de Hegel, par Bernard Bourgeois, chez Ellipses, 2011. D’autres indications bibliographiques de commentaires sur la philosophie de l’histoire chez Hegel seront données à la rentée.
- Enseignant éditeur: Auve Antoine