La Critique de la raison pratique constitue l’un des trois piliers de l’édifice critique kantien. Là où la Critique de la raison pure étudie les principes synthétiques a priori de la faculté de connaître, ou la faculté de connaître « supérieure », et là où la Critique de la faculté de juger en fait de même pour la faculté du sentiment de plaisir et de peine, la Critique de la raison pratique expose les principes a priori de la faculté de désirer, qui dans sa forme supérieure n’est autre que la volonté libre ou la raison pratique elle-même. Selon Kant, la Critique de la raison pratique n’a pas seulement pour objet la morale, mais elle expose bien, avec la notion de liberté, la clef de voûte de l’ensemble d’un système de la raison pure. Pourtant, malgré cette position principielle, on serait tenté de ne voir dans la structure architectonique complexe de l’ouvrage et dans la subtilité de ses concepts qu’un doublon plus technique et formalisé d’une doctrine morale qui, pour l’essentiel, aurait déjà livré dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, ce qui rendrait par là même son apport moins original que celui des deux autres Critiques. Dans ce cours, nous insisterons au contraire sur cet apport original de la Critique de la raison pratique au sein de l’ensemble du projet critique de Kant, et nous verrons également en quoi elle constitue en réalité le présupposé des Fondements de la métaphysique des mœurs. Nous étudierons l’apport conceptuel très serré que déploie toute l’« Analytique de la raison pratique pure » relativement à l’économie facultaire de la volonté, avant d’insister, avec la lecture de la « Dialectique de la raison pratique pure », sur le nouveau statut que la « métaphysique » reçoit lorsqu’elle est replacée sur le terrain de la « morale ». Enfin le commentaire de la deuxième partie de l’ouvrage, plus courte, consacrée à la « Méthode de la raison pratique », sera également l’occasion de faire dialoguer la philosophie morale kantienne et sa conception du devoir avec d’autres courants de la philosophie morale, tout en réinscrivant la morale kantienne dans le champ plus vaste de la philosophie pratique de Kant.

Nous étudierons l’ouvrage à partir de l’édition suivante : KANT, Critique de la raison pratique, traduction Jean-Pierre Fussler, Paris, GF Flammarion, 2003.

La lecture de la Critique de la raison pratique pourra être complétée et éclairée par celle des Fondements de la métaphysique des mœurs (suivis l’Introduction de la Métaphysique des mœurs), dans Métaphysique des mœurs I. Fondation. Introduction, traduction Alain Renaut, Paris, GF Flammarion, 1994.

Pour une introduction rapide et claire à l’ensemble de la pensée critique de Kant, on pourra se rapporter à l’ouvrage de Gilles Deleuze, La philosophie critique de Kant, Paris, PUF, 1963.