ours enfant malade : le droit local d’Alsace-Moselle impose le maintien du salaire, mais sans assimilation pour les droits à congés payés Dans une affaire jugée le 4 décembre 2024, la Cour de cassation s’est penchée sur le cas d’un salarié qui réclamait, à l’occasion de la garde de son enfant malade, le maintien de salaire prévu par le droit local d’Alsace-Moselle en cas d'absence de courte durée pour une raison indépendante de sa volonté. Son employeur devait lui payer les deux jours d’absence, mais pas les congés payés y afférents. Maintien de salaire en cas d’absence d’une durée « relativement sans importance » : le cas particulier de l’Alsace-Moselle Les salariés occupés dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle bénéficient, sous conditions, de certaines dispositions particulières (voir Dictionnaire Paye, « Alsace-Moselle »). Ainsi, en Alsace-Moselle, le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et « pour une durée relativement sans importance » a droit au maintien de son salaire, sous déduction des indemnités journalières de sécurité sociale (c. trav. art. L. 1226-23 ; ancien art. 616 du code civil local). Il s’agit donc d’une obligation légale de maintien de salaire dès le premier jour d’arrêt de travail et sans condition d’ancienneté. Une autre disposition du droit local prévoit que les commis commerciaux qui, par suite d'un accident dont il ne sont pas fautifs, sont dans l'impossibilité d'exécuter leur contrat de travail, ont droit à leur salaire pour une durée maximale de six semaines (c. trav. art. L. 1226-24 ; ancien art. 63 du code de commerce local). Bien qu’appliquée essentiellement à des cas d’absence pour maladie du salarié, la jurisprudence admet que le maintien de salaire prévu par le régime d’Alsace-Moselle couvre les absences de courte durée nécessitées par la garde d’un enfant malade, aussi bien pour les commis commerciaux (cass. soc. 16 février 2011, n° 09-42677 D ; cass. soc. 16 février 2011, n° 09-70318 D) que pour les autres salariés (cass. soc. 19 juin 2002, n° 00-41736, BC V n° 206). Une réponse ministérielle a d'ailleurs rappelé que, compte tenu de cette jurisprudence, les employeurs sont tenus de payer l’absence liée à la garde d’un enfant malade lorsque le droit local d’Alsace-Moselle trouve à s’appliquer (rép. Jung n° 21775, JO 29 octobre 2013, AN quest. p. 11443). Dans une affaire jugée le 4 décembre 2024, la Cour de cassation s’est penchée sur un cas d’application de l’article L. 1226-23 du code du travail à propos de jours « enfant malade ». L’affaire : pour un employeur d’Alsace-Moselle, des jours « enfant malade », mais pas de maintien de salaire Le 4 octobre 2021, un salarié travaillant au sein d’une entreprise située en Alsace avait transmis à son employeur un certificat médical faisant état de la maladie de son enfant. Il avait été absent les 4 et 5 octobre 2021 pour garder celui-ci. Le 16 novembre suivant, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés. Dans cette affaire, l’employeur n’avait pas fait application du maintien de salaire en application du droit local (c. trav. art. L. 1226-23), mais avait attribué au salarié le congé non rémunéré « enfant malade » de droit commun (c. trav. art. L. 1225-61). L’employeur tentait de faire valoir qu'en application de la règle « specialia generalibus derogant », le texte particulier doit s'appliquer par exception à la règle générale. Or, selon l'employeur, l’hypothèse particulière du maintien de salaire lorsque le salarié doit s'absenter en raison de la maladie de son enfant n’est pas prévue par l'article L. 1226-23 du code du travail, qui viserait, selon lui, uniquement l’hypothèse où le salarié est empêché de travailler pour une cause qui lui est personnelle. En Alsace-Moselle, l’absence pour garder un enfant malade ouvre droit au maintien de salaire Les premiers juges n’ont pas été sensibles au raisonnement de l’employeur, et l’ont condamné à payer un maintien de salaire pour les journées du 4 et 5 octobre 2021 au cours desquelles le salarié s’était absenté pour s’occuper de son enfant. Une décision validée par la Cour de cassation. La Cour commence par rappeler que « la recodification du code du travail [NDLR : de 2008] est, sauf dispositions expresses contraires, intervenue à droit constant ». Ce faisant, elle fait à notre sens écho au raisonnement de l’Avocat général qui, dans son avis, souligne que les articles L. 1226-23 et L. 1226-24 du code du travail sont la recodification, opérée en 2008 à droit constant, des anciens articles 616 du code civil local et 63 du code de commerce local. Le fait qu’ils aient été insérés dans un chapitre du code du travail relatif à la maladie du salarié ne peut pas avoir modifié ou restreint leur portée : ils couvrent donc toujours l’hypothèse des jours enfant malade. La Cour pointe ensuite qu’en application de la règle de droit commun du code du travail (c. trav. art. L. 1225-61), le salarié bénéficie d'un congé non rémunéré en cas de maladie ou d'accident, constatés par certificat médical, d'un enfant de moins de 16 ans dont il assume la charge. La durée maximale de ce congé est en principe de 3 jours par an. Elle est portée à 5 jours si l'enfant est âgé de moins d'1 an ou si le salarié assume la charge de 3 enfants ou plus âgés de moins de 16 ans. Pour les Hauts magistrats, l'application de ce texte ne fait pas obstacle à celles des dispositions plus favorables de l'article L. 1226-23 du code du travail, applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, selon lesquelles le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire (c. trav. art. L. 1226-3). Dès lors, le conseil de prud'hommes, qui avait constaté que le salarié avait été absent afin de garder un enfant malade, a pu décider que cette absence constituait une cause personnelle indépendante de la volonté du salarié justifiant le maintien du salaire. La période de maintien de salaire du droit local n’est pas assimilée à du temps de travail effectif pour les congés payés Le deuxième volet de l’affaire concernait l’assimilation des journées d'absence du salarié pour s’occuper de son enfant à du temps de travail effectif. Les premiers juges avaient ainsi condamné l’employeur à payer au salarié une somme au titre des congés payés afférents au salaire des journées des 4 et 5 octobre 2021. Cette fois-ci, ils n’ont pas été suivis par la Cour de cassation. Pour la Cour, si selon l'article L. 1226-23 du code du travail, applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, une garantie de salaire est instaurée en cas d'absence pour une cause personnelle indépendante de la volonté du salarié et pour une durée relativement sans importance, ce texte n'assimile pas, pour la détermination des droits à congés payés, cette période d'absence à un temps de travail effectif. À noter : ce faisant, la Cour se situe dans la droite ligne d'une décision qu’elle avait déjà rendue sous l’égide de l’ancien article 616 du code civil local (cass. soc. 24 mars 2004, n° 02-40525, BC V n° 99). Par conséquent, c’est à tort que les premiers juges avaient condamné l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre des congés payés pour la période d'absence relevant de l'article L. 1226-13 du code du travail. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la Cour de cassation a réglé l’affaire au fond et annulé le volet de la condamnation de l’employeur (34,65 €) concernant les congés payés afférents au salaire des jours enfant malade.
Cass. soc. 4 décembre 2024, n° 23-11485 FSB https://www.courdecassation.fr/decision/674ffa9154dec7f341ee7750 |